— Caramon…, dit Tanis avec un geste apaisant pour retenir son ami.
— Koraf ! fit Maquesta pour rappeler à son second qu’il convenait de ne pas maltraiter des passagers qui payaient, du moins tant qu’on était en vue des côtes.
Le minotaure fit disparaître son arme et s’éloigna d’un air méprisant sous les murmures désappointés de l’équipage. Le voyage promettait d’être intéressant.
Maquesta aida Tanis à se relever en l’observant aussi minutieusement que si elle recrutait un marin. Elle trouva qu’il avait beaucoup changé en quatre jours, depuis qu’il était venu négocier leur passage sur le
On aurait dit qu’il revenait d’un séjour aux Abysses.
— Allons dans ma cabine, dit Maquesta d’un ton rogue.
— Veille sur les autres, Caramon, souffla le demi-elfe.
Tanis suivit Maquesta dans son étroite cabine.
Le
Elle réussissait à merveille à prendre de vitesse les lourds bâtiments des seigneurs draconiens, mais elle avait décidé de les laisser tranquilles. Trop souvent, les vaisseaux des seigneurs « escortaient » les bateaux marchands. Maquesta avait perdu beaucoup d’argent au cours de ses deux derniers voyages. Elle condescendait donc à prendre des passagers, ce qu’elle n’aurait jamais fait en d’autres circonstances.
Le demi-elfe retira son heaume et s’assit, ou plutôt, déséquilibré par le tangage, s’affala sur la table.
— Alors, que voulais-tu me dire ? demanda Maquesta en étouffant un bâillement. Je t’ai averti que nous ne mettrions pas les voiles. La mer est démontée…
— Il le faut, déclara Tanis sans ambages.
— Écoute, répondit la femme d’un ton patient, destiné à ménager son client Si tu as des ennuis, ce n’est pas mon affaire ! Je ne risquerai pas mon bateau ni mon équipage…
— Il ne s’agit pas de nous, l’interrompit Tanis en la regardant avec insistance, mais de toi.
— De moi ? s’exclama-t-elle, stupéfaite.
Tanis baissa le regard sur ses mains croisées. Le roulis et le tangage ajoutés à la fatigue des derniers jours lui donnaient la nausée. Remarquant son teint verdâtre et les cernes qu’il avait sous les yeux, Maquesta se dit qu’elle avait déjà vu des cadavres ayant meilleure allure.
— Qu’est-ce que tu racontes ? demanda-t-elle.
— Je… j’ai été fait prisonnier par un Seigneur des Dragons… il y a trois jours de cela, dit Tanis en baissant la voix, les yeux toujours sur ses mains. « Prisonnier » n’est pas le terme exact. Comme je portais cet uniforme, il m’a pris pour un de ses soldats. J’ai été obligé de l’accompagner dans ses quartiers et d’y rester ces trois derniers jours. J’y ai découvert ce que les seigneurs draconiens cherchent à Flotsam. Je sais même qui ils veulent.
— Ensuite ? dit Maquesta qui sentait la peur la gagner. Il ne s’agit pas du
— Non, de ton timonier. Berem.
— Berem ! Pourquoi lui ? Un muet, à demi-demeuré ! Un bon timonier, soit, mais à part ça… Qu’a-t-il bien pu faire pour être recherché par les draconiens ?
— Je n’en sais rien, répondit Tanis, luttant contre la nausée. M’est avis qu’ils ne le savent pas non plus. Mais ils ont reçu l’ordre de le ramener vivant à la Reine des Ténèbres.
L’aube naissante jetait des lueurs rouges sur la surface de l’eau. Les larges boucles d’oreilles de Maquesta étincelèrent sur sa peau noire. Nerveusement, elle rejeta ses cheveux tressés en arrière.
— Nous n’avons qu’à nous débarrasser de lui ! murmura-t-elle en se levant de son siège. Nous le renverrons à terre. Je peux trouver un autre timonier…
— Écoute-moi ! fit Tanis en la prenant par le bras. Il est possible qu’ils aient déjà appris la présence de Berem sur ce bateau. S’ils ne le savent pas encore, et s’ils l’arrêtent, le résultat sera le même. Ils finiront par apprendre qu’il appartenait à l’équipage du
Il lâcha le bras de Maquesta.